Histoire du Col de la Perche
Le Col de la Perche, c'est un passé qui remonte aux Romains!
Géologie
Si vous consultez une carte géologique, il serait étonnant de vous ne trouviez pas dans l'Ouest des Pyrénées un passage appelé "Col de La Perche" (alt. 1579 m). En effet, la Cerdagne débute son plateau d'altitude ici. Depuis des millénaires, traverser les Pyrénées par les montagnes, revient à dire qu'il faut trouver un passage. Le Col de La Perche en est le sommet.
Voie romaine
Les romains avaient fait une voie venant d'Elne (en Roussillon) : la "Via Conflentana" (du Conflent) et se transformait au Col de la Perche en "StratàCerdana" (route cerdane). On voit cette route encore au dessus du col vers Eyne.
IXe siècle, le porde Jardo
En 897, une bulle du Pape Romanus confirme les droits de l'église d'Elne, et dit que son diocèse s'étend du “port de Jardo à la mer”. (Le Jardo est le ruiSSeau qui prend sa source à la Perche). Un autre texte ancien nous rapporte la plus part des lieux : “Le 3 des calendes de novembre de l'an 965, Seniofred, comte de Cerdagne, de Conflent et de Vallespir, fit donation à l'abbaye de Sainte-Marie d'Arles (sur Tech) de tout ce qu'il possédait “en alleu propre” et provenant du patrimoine de sa mère et de ses prédécesseurs, dans les territoires des Forcats et de Bolquera, c'est à dire le Vilar d'Ovansa, les manses de Pujol (La Perche), le Vilar de Caselles et la partie du vilar de Bolquère situé sur la rive gauche de la rivière du même nom.” Le Vilar d'Ovansa concerne l'actuel hameau des Moulins. Le Vilar de Caselles est l'ancienne appellation de ce qui deviendra “la cabana”, puis “La Cabanasse”. Les Manses de Pujol désignent le Vilar de La Perche.

Le nom de “Perche” n'apparait qu'en 1095 dans le testament de Guillem-Raymond, comte de Cerdagne. Il désire l'établissement d'une maison de secours pour les voyageurs, desservie par un ordre religieux (ce qui à l'époque allait de soit). Au XIIe siècle, un Hôpital voit le jour. Il s'agit d'accueillir les pèlerins et voyageurs, leur donner le manger et le coucher, mais aussi les soins nécessaires. La première mention est faite en 1174 par l'abbé de St Michel de Cuxa, Arbert. (L'église est sous le patronat de l'abbé de Cuxa alors que l'hôpital appartient à l'abbaye d'Arles). Les bâtiments consistent en une église et une maison de secours. L'établissement est régi par un “Précepteur” ou “Commandeur” avec sous ses ordres des “donats”, c'est à dire des laïques ou des ecclésiastiques qui se donnaient corps et biens à la maison de charité au service duquel ils se consacraient.
Le nom de la Perche
Le nom de “Perche” proviendrait de poteaux qui jalonnaient encore à la fin du XIXe siècle la route pour passer le col en hiver. En 1896, Brousse nous décrit encore ces poteaux : “De chaque côté sont plantés des poteaux peints en noir, destinés à empêcher les voyageurs de se perdre, en hiver, quand la neige nivelle la campagne de son épais manteau blanc. En effet, si on a le malheur de dépasser soit à gauche soit à droite les limites du chemin indiquées par les poteaux on risque de tomber dans un trou de deux ou trois mètres de profondeur que la neige recouvre et dissimule à tous les yeux. Ces poteaux rendent donc de réels services.”

La chapelle et la Vierge des Voyageurs
La chapelle est sous le patronat de la Vierge des Voyageurs. La statue romane a disparue, mais l'église de La Cabanasse contient celle du XVe. La statue fut repeinte au XIXe mais son parfait état de conservation en fait un joyaux du patrimoine communal. Elle avait été placée dans une niche dédiée dans la chapelle de gauche de l'église de La Cabanasse, mais afin d'éviter le vol, elle fut placée au dessus du portail d'entrée. On trouve aussi quelques autres saints du XVIIe qui proviennent de La Perche.
Vie et mort de l'Hôpital
L'hôpital de La Perche s'enrichit durant les siècles par de nombreuses donations et de droits de pacages offerts par les seigneurs environnants. Ainsi en 1272, Galcerand de Pinos, seigneur de Llo, accorde au prieur de La Perche de faire pacager le bétail dans toute la vallée d'Eyne. Les troupeaux pouvaient aller aux Bouillouses et à la Quillane.
Sous le règne de Louis XI au à partir de 1462, l'hôpital périclite et n'est restauré qu'en 1480. En 1557, l'église est placée sous le vocable de St Jean et porte le nom de prieuré “de Sainte Marie et de Saint Jean”. En 1672, les revenus des petits hôpitaux de la province du Roussillon (devenue française) sont unis à l'Ordre Royal de Notre Dame du Mont-Carmel et de Saint Lazare de Jérusalem par un édit de Louis XIV, mais une convention datée du 2 novembre 1683 laisse La Perche jouir de ses biens, bien que l'édit constate aussi qu'il n'y a plus de malades. Un texte de 1693 faisant état des biens de ces maisons de charité, constate “qu'il ne s'est trouvé aucuns biens ni aucunes rentes de La Perche, qui est un endroit inculte et plein de rochers.” L'hôpital disparait en 1696.
Les ruines de la chapelle et la nouvelle église
En 1807, M. Delcasso, juge de paix à Mont-Louis et propriétaire à La Perche constate : “l'église de La Perche est entièrement détruite : il n'en reste que quelques ruines, c'est à dire partie de murailles. Tout le village est réduit à trois maisons ou métairies, dont l'une m'appartient, l'autre de Sauveur Casso et la troisième de Joseph Rusca. Depuis longtemps la paroisse de La Perche est supprimée et depuis la nouvelle organisation des municipalités, le lieu de La Perche a été uni à la commune de La Cabanasse. Ni moi ni aucun des autres habitants de La Perche n'avons aucun intérêt à conserver les ruines de l'église ; il serait au contraire avantageux pour tous qu'on construisit une église au lieu de La Cabanasse où les habitants de La Perche sont à portée de se rendre.”
Les ruines sont mises en vente en 1807, mais elles sont toujours en place en 1848 faute d'acheteur. Pendant ce temps, une maison dans le village de La Cabanasse, sert d'annexe à l'église de St Pierre dels Forcats. En 1806, l'évêque de Carcassonne observe “que la petite chapelle qu'entretient M. Delcasso dans l'enclos de sa maison de La Cabanasse n'est pas assez vaste pour contenir le peuple.” De plus les paroissiens de St Pierre s'opposent à de trop fréquentes messes par leur curé à cet endroit. La nouvelle grande église, après maintes péripéties, ne débutera ses travaux qu'en 1876.

La bataille de La Perche
Il faut noter l'événement marquant du Col de La Perche: la bataille par le Général Dagobert de Fontenille en 1793. Bien que cette bataille ne soit pas marquée sur l'Arc de Triomphe de Paris (elle aurait pu !), c'est le nom de son héros qui y figure.
Alors que la France est menacée par les espagnols qui entrent de tous côtés pour reprendre leurs biens perdus (dont le Traité de Pyrénées de 1659 en est le partage), Perpignan est cerné, le Conflent est attaqué à Villefranche et à Olette, l'Ariège est envahie par le Puymorens et le Col de La Perche devient le poste avancé des troupes. Ils arrivent dés Avril, mais la neige (qu'il y avait en abondance dans ce siècle) les fait revenir dans les murailles de Puigcerdà. En Juillet les espagnols se repositionnent sur les pentes ouest du Col, narguant Mont-Louis. Les français se préparent à la riposte en faisant rentrer dans la Citadelle 3000 hommes d'armes.
Le 28 Août 1793, Dagobert, aidé de Cassanyes, héros de la Révolution, vont surprendre de nuit les postes espagnols en les prenant de côtés. Une grande bataille repoussera les ennemis de village en village jusqu'à Puigcerda. Cette victoire totale donnera du courage pour la reconquête de Perpignan et du Roussillon.
Commune de la Perche ?
Jusqu'au début du XIXe siècle il existe une différentiation entre la commune de La Cabanasse et celle de La Perche. C'est une communauté particuliére, ayant son existence propre, avec son territoire, des propriétés, des charges et des droits parfaitement distincts de ceux des communes de Bolquère, des Forcats, de Planès, du Vilar d'Ovansa et de Mont-Louis. En 1616, la commune de La Perche porte le nom de "Saint Jean de La Perche". Par des statistiques administratives de 1695 concernant les communautés de Cerdagne française, on compte comme chefs de famille : Philippe Fabre, pagès, sa femme et 5 enfants, François Pubill et sa femme, 6 enfants et 2 valets, Joseph Pont, de Nahuja, soit 18 habitants. En 1787 on compte sur la paroisse de La Cabanasse 91 habitants, 19 à La Perche. On constate que la population de La Perche ne bouge pas, le col n'a jamais été un village en expansion, mais tout regroupement de personnes formait alors une communauté autonome.
Ce n'est qu'en l'An VIII, c'est à dire en 1800 que La Perche est réunie à La Cabanasse, malgré les protestations des habitants qui auraient préférés Bolquère. « Le 1er Fructidor de l'An Villie Conseil Municipal de la La Cabanasse et La Perche réunis sous la présidence du citoyen Nodello, maire de la commune, promet d'être fidèle à la nouvelle constitution. » Malgré le rattachement, du point de vue religieux La Perche est rattaché à Bolquère (baptêmes, messes de mariage, enterrements, ... ).
Reboisement : Une tentative de reboisement du Col a été tentée au XIXe siècle mais l'opposition des fermiers l'empêcha, le pacage des bêtes étant privilégié. Il faudra attendre notre époque pour que des bois soient plantés et donnent ce caractère plus chaleureux au site.

Au XXle siècle ...
Aujourd'hui, Le Col de La Perche est composé de deux corps de ferme de chaque côté de la route. Le garage Jampy et le lotissement agrandissent le hameau vers les pentes de Cerdagne. Les deux hôtels, le Catalan et Les Mélèzes poursuivent la tradition hospitalière alors que le côté agricole diminue. Le Train Jaune voisine les champs de La Perche pour monter vers la gare la plus haute de France, à quelques mètres de la Perche, sur Bolquère ! Souhaitons que ce site retrouve ses racines si anciennes et sa particularité. Nous espérons que la Vierge des Voyageurs trouvera à nouveau sa place et qu'elle sera le lien entre l'église de La Cabanasse et son origine à La Perche.
Patrick RANCOULE (informations recueillies d'après l'ouvrage d'E.Brousse “La Cerdagne française” 1896 et sur le document d'Alart).
Fait le 10 Juillet 2001 aux Moulins.
Remerciements à J. Armengou pour le prêt des cartes postales.
Photos P. Parent et P. Rancoule.